Mon voisin Roger, mémoire de Lapalud et féru d’histoire - surtout celle liée à son village - m’a remis un document concernant l’histoire de l’une des cloches de Lapalud que je vous partage ci-dessous. Le document original est dactylographié, sans date ni signature, je ne peux donc donner plus de précision à son sujet.
Pour mieux comprendre les termes techniques, vous pouvez découvrir ici le vocabulaire de la cloche.
"Un matin de décembre 1771, les habitants de Lapalud furent consternés. Les cloches sonnaient. Ce fait, en lui-même, ne les étonnait pas ; on connaissait parfaitement le langage des cloches à Lapalud. Ce qui apparaissait insolite et inquiétant, c’est que, ce jour-là, on ne reconnaissait pas dans les vibrations de l’airain, la sonorité habituelle.
Que se passait-il ?
Pourtant, le campanier tirait sa corde comme à l’ordinaire. Une vérification dans le clocher ne permit de constater aucune anomalie apparente. Rien ne gênait le mouvement pendulaire de la grosse cloche que son battant de fer frappait normalement.
Peut-être une invisible fissure était-elle à l’origine de ce phénomène ?
La fête de Noël était proche. Il fallait faire quelque chose.
Dans la journée du 23 décembre, on dépêcha Antoine Bourcelon, maître serrurier, au haut du clocher. Avec l’aide du sonneur, cet artisan local fit de son mieux. Il façonna quatre plaques de fer pour renforcer le mouton, il souda deux pièces de métal, ajusta et mit en place deux clavettes neuves. On renouvela les liens de cuir, ou brayers, qui fixent le battant.
Hélas, ces soins demeurèrent inopérants. Il fut impossible de retrouver le tintement harmonieux auquel on était habitué. La volée était encore plus décevante !
Les fêtes de la Nativité furent assombries par cette défaillance voclae de notre campane familère. Il convint de prendre, sans tarder, des mesures efficaces quel qu’en soit le prix. Elles firent l’objet de discussions animées au sein du Conseil réuni à cet effet le 29 décembre.
Un marché fut passé avec le Sieur Antoine Babandy, fondeur à Bollène. Moyennant le prix de 300 livres, cet industriel devait procéder à la refonte de la cloche.
Bientôt, les habitants assemblés sur la place de l’église purent voir monter la nouvelle cloche le long du clocher.
On avait fait venir un expert, le Sieur Huard, maître fondeur de Venteyrol, qui dirigea et vérifia les travaux. En comptant son trajet, il y consacra quatre journées qui coûtèrent 24 livres à la Communauté.
Le maréchal à forge fut mis à contribution. Il modifia le battant pour l’adapter, fit des soudures, refit l’olive, assura une solide suspension de la cloche neuve. Sa facture s’éleva à 11 livres et 6 sels.
André Deydeux, marchand, avait fourni 119 livres de fer brut à 4 sels la livre.
Pour plus de sécurité et pour se prémunir contre toute tentative éventuelle de vandalisme, on fit faire une porte neuve pour fermer l’accès au clocher.
Les dépense entraînées par cet incident imprévu ne pouvaient être couvertes par les fonds libres dont disposait le trésorier. On n’avait pu donner que 100 livres d’accompte au fondeur. Il restait à régler, dans les deux ans, le reste de la créance augmentée des intérêts.
Pour soulager la bourse commune, on fit appel à l’aide de la population. Une quête produisit 48 livres. De plus, 19 conseillers (sur 21) firent don de leurs honoraires de l’année, ce qui apporta 57 livres.
Ces soucis finaciers passaient cependant au second plan.
En retrouvant la voix familière de sa cloche, le village avait recouvré la sérénité !"